mardi 17 juin 2008

Le Plan du Bois, Acte n°4 ... en attendant un peu d'histoire

Notre quartier possède une histoire.


Notre quartier n’est pas né avec IBM, dans les années 1960-1961. Il possède une histoire ancienne et bien réelle, dont témoignent des documents d’époque.

Cette histoire s’est jouée en 3 actes.

L’acte n° 1 date de 1599, date de la création, au Parlement d’Aix, de la commune indépendante de la Gaude, séparée de celle de Saint-Jeannet après plusieurs années de tractations et chamailleries. Les juges d’Aix avaient ordonné l’estimation des terres respectives et leur ventilation entre les deux communautés, ainsi que celles des charges liées aux terrains. Le Plan du Bois, territoire d’une soixantaine d’hectares, dit à l’époque « Bois de la Gaude » devient, sur décision du Parlement d’Aix, territoire indivis entre les deux communautés de la Gaude et Saint-Jeannet. Les habitants des deux communes bénéficiaient indistinctement du droit d’y faire paître leurs troupeaux et d’y ramasser du bois.



Acte 2. Plusieurs siècles passent, nous arrivons en 1836.
Saint-Jeannet demande alors à sortir de l’indivision du Plan du Bois. Les procédures, échanges de mémoires, querelles d’avocats et chicanes diverses vont durer 5 années. Faute d’accord entre les deux parties, le tribunal de Grasse finit par décider d’un tirage au sort entre deux lots…
Las! Les dés attribuent à Saint-Jeannet ce qui aurait convenu à La Gaude et vice-versa…
Les Saint-Jeannois se retrouvent donc, en 1841, propriétaires des 28 hectares de territoire du Plan du Bois les plus éloignés de leur village. Fin du deuxième acte.


L’acte 3 aura lieu plus d’un siècle plus tard, en 1960. La commune de Saint-Jeannet vend ses 28 hectares de bois à la société américaine IBM. L’histoire de notre quartier et de notre village venait d’entrer dans une nouvelle ère.

Avant l’implantation du Centre de Recherches, ce secteur de la Gaude ne connaissait que bois de chênes et d’autres essences méditerranéennes, traversés par la piste empierrée qui, depuis 1862, descendait vers Saint-Laurent du Var. En 1599, le territoire était déjà implanté en bois, cependant, lorsque l’on se promène, on remarque les traces d’anciennes restanques, témoignages d’une activité agricole antérieure, datant vraisemblablement du moyen age.

Ces bois représentaient une certaine richesse dans l’ancien régime. Au 18e siècle, on se préoccupait déjà de protection des massifs forestiers, dans le but de préserver une ressource indispensable à la construction des vaisseaux de guerre et de commerce, bien loin de nos soucis écologiques d’aujourd’hui. En 1773, la Chambre des Eaux et forêts établit une réglementation sévère : défense absolue de mener paître les chèvres dans les forêts, sévères contravention à l’encontre de ceux qui coupent le bois sans autorisation, interdiction d’allumer du feu à moins d’un demi quart de lieue d’un bois « à peine de fouet pour la première fois et de galère en cas de récidive. » Le même texte stipule que l’incendie volontaire sera puni de mort.

Les bois de la Gaude ont constitué une petite source de revenus secondaires pour les habitants du lieu. Dans les années cinquante, certaines années, on y récoltait des morilles à pleins paniers. Les plus malins ou les plus chanceux y récoltaient des truffes, comme certains vieux Gaudois et Saint-Jeannois en trouvent encore de nos jours du coté des Baous. Ne me demandez pas où et qui, le secret est mieux gardé qu’un secret défense ! Je témoigne cependant que cela n’est pas une légende, j’ai vu de mes yeux une magnifique truffe noire d’au moins 50 grammes, récoltée sur le Baou, et enfermée dans un pot de confiture Bonne Maman, je vous laisse deviner le parfum qui s’est échappé du pot lorsqu’on l’a ouvert pour me permettre de l’apprécier !


Au printemps, les jeunes du village se faisaient un peu d’argent en ramassant les genêts en fleurs, pour les vendre au commissionnaire, intermédiaire avec les usines de parfumerie de Grasse. Une autre cueillette traditionnelle concernait le sumac, cet arbuste que l’on remarque obligatoirement lorsque l’on se promène dans nos bois à l’automne car il explose alors de toutes les nuances du rouge. Son écorce servait de plante tinctoriale.


Durant la dernière guerre mondiale, notre quartier dominant la vallée du Var, à l’époque isolé, avait été repéré comme stratégique par des maquisards. Des groupes de Résistants y avaient établi des postes d’observation, heureusement aucun combat n’a ensanglanté nos bois. Il n’est pas rare de découvrir des restes de ces temps troublés au cours de travaux de construction ou de débroussaillement, témoins des années de lutte contre l’Occupant. Nous même, il y a quelques années, au cours de l’aménagement de notre jardin , nous avons trouvé une grenade de fabrication américaine, à demi fichée dans le sol et en parfait état de fonctionnement, prise en charge par le service de déminage de l’armée. La même année, alors que nous avions entrepris quelques travaux de plantation, un chapelet entier de balles de mitrailleuses nous est apparu, à l’emplacement convoité pour l‘établissement de quelques pieds de groseilliers.

Le Plan du Bois recèle, ou recelait, dans son sous-sol deux grottes répertoriées et étudiées. L’une d’elle, dite « grotte du Plan du Bois », a été étudiée et son plan relevée en 1957. Son emplacement se situe dans le lotissement même, avenue des oliviers.
Le Spéléologue Yves Créach dans « Inventaire spéléologique des Alpes Maritimes- 1984 » décrivit son emplacement.

Une autre cavité naturelle se situe dans le domaine même d’IBM, au niveau des parkings. Il s’agit d’un aven, dont l’orifice est, de nos jours couvert d’une plaque d’égout. Cet aven était connu des Gaudois bien avant 1960. Ils s’y débarrassaient des carcasses d’animaux morts.

Symbole et témoin d’un riche passé, détenteur de vieux secrets, le château du puissant Romée de Villeneuve veille sur nos bois de son mamelon du hameau des Gaudes, depuis des temps immémoriaux. Quelques mystères, ainsi qu’une très ancienne histoire sont cachées dans notre paysage familier. Notre quartier n’est pas un lotissement anonyme.

Et son histoire continue aujourd'hui de s'écrire…

Texte écrit avec la collaboration de Marie-Odile Ascher

samedi 7 juin 2008

Un bâtiment unique... pour un site symbolique

L'architecte Marcel Breuer l'avait bien pressenti, le site du Plan du Bois situé sur la commune de La Gaude, représentait bien un lieu idéal pour les chercheurs d’IBM. Calme, beauté, proximité de l’aéroport de Nice, tous les ingrédients étaient là pour accoucher d’un magnifique projet en X. Plus tard l'UGECAM fit un choix judicieux pour offrir un cadre propice à la rééducation/formation aux handicapés. Aussi nous devons-nous aujourd’hui d’œuvrer dans ce sens. Il est seulement regrettable de voir une société industrielle de torréfaction de café, s’obstiner à vouloir s’implanter sur ce site, certaines nuisances liées à son activité de production étant inévitables et dommageables. Il serait sage pour l’avenir de préserver les atouts de ce lieu symbolique en respectant notamment l’avis de la population exprimé lors de l’enquête publique et les conclusions du commissaire enquêteur.

Vous trouverez ci-dessous un peu d'histoire sur le bâtiment d'IBM.


Le Bâtiment IBM de la Gaude, Patrimoine du XX e siècle.


En novembre 2000, le ministère de la culture a accordé, le label « patrimoine du XX e siècle » à l’ensemble architectural IBM de la Gaude.

Ce bâtiment, construit en 1961 est signé Marcel Breuer, une des personnalités les plus représentatives et les plus influentes de l’architecture et du design du vingtième siècle.

Marcel Breuer, Lasko pour ses amis, né près de Pecs, en Hongrie, a 18 ans en 1920.
Cette année là, il devient étudiant à Weimar, en Allemagne, dans un institut des arts et métiers au nom encore célèbre de nos jours: Le Bauhaus. Le Bauhaus est à l’origine d’un courant artistique concernant surtout l’architecture et le design, il reste, aujourd’hui encore, un symbole de modernisme.

Marcel Breuer, une fois ses études terminées, deviendra l’un des maîtres du Bauhaus, associé à son fondateur, Walter Gropius. C’est à cette époque qu’il crée sa célèbre chaise, la « Vassili chair », pour son ami, le peintre Vassili Kandinski, en tubes d’acier pliés et cuir, dont les lignes restent d’une époustouflante modernité.

Le Bauhaus est fermé en 1933 par les Nazis. Breuer, d’origine juive, se réfugie alors d’abord à Londres, puis ensuite aux USA en 1937, où il crée son propre bureau d’architecture. Une de ses maisons, aux lignes innovantes, à la toiture en forme d’aile de papillon est construite dans les années 50, dans les jardins du MoMA de New York, en tant que maison de démonstration, où elle fait sensation.

La première réalisation de Marcel Breuer en France est le siège de l’Unesco, à Paris, construit en 1953. Cette œuvre marque un tournant dans sa carrière car il adopte dorénavant le béton comme premier matériau, devenant ainsi un des maîtres d’un courant architectural appelé le Brutalisme.

En 1960, Marcel Breuer est chargé de la réalisation du centre IBM de la Gaude, un X géant dans les pins, ouvert sur la nature et le paysage. Il a toujours affirmé que le bâtiment IBM était son oeuvre la plus réussie.

En France, d‘autres réalisations sont signées Breuer, telles que la station de sports d’hiver de Flaine, (1960) ainsi qu’une résidence privée, près de Deauville, la villa Sayer. Cette demeure, construite entre 1973 et 1975, sur des plans datant de 1959, destinés à l’origine à une maison pour l’acteur Peter Ustinov, mais non réalisée, a été classée monument historique, dès 1992.

La Gaude peut s’enorgueillir de posséder sur son territoire le bâtiment IBM, déjà labellisé patrimoine du XX e siècle. IBM est l’oeuvre dont Marcel Breuer était le plus fier. Cette réalisation, représentative d’une époque et d’un courant architectural mériterait indéniablement de devenir aussi monument historique.

Marcel Breuer est décédé à New York le 1er juillet 1982.

Pour plus d'informations parcourir le livre "La Gaude, mémoire en images", publié en 2004 aux éditions Sutton.

dimanche 1 juin 2008

Le « grand projet Malongo » : un non sens

Dans une période plutôt agitée, où le prix du gasoil et de l’essence ne cesse de flamber, où les transports devraient être optimisés et l’environnement respecté, certaines personnes osent encore parler de développement durable et d’intégration dans l’environnement lorsqu’ils parlent du « grand projet Malongo ». De qui se moque-t-on ? Des Gaudois c’est certain, mais aussi des habitants du Moyen Pays Niçois et des Niçois eux-mêmes.

Quelle brillante idée que d’installer « une cité du Café » pour ne pas dire « usine de torréfaction [1] » sur un site totalement inadapté au développement d’activité industrielle, à proximité d’une magnifique forêt, d’un centre de recherches, d’un centre dédié à la rééducation/formation d’handicapés, d’habitations et en face de beaux villages perchés, avec Saint-Jeannet, Gattière, Carros et les Baous.

La portée d’un tel projet a parfaitement bien été mesurée, notamment par des experts du tourisme et du développement économique. Aucune création d’emplois au départ, une altération de l’image de sites touristiques des Alpes-Martimes, des nuisances à venir… sans parler de la colère des habitants.
Si l’on continue dans cette voie là, on finira par compromettre ce qui a fait la notoriété de la Côte d’Azur. Les intérêts personnels à court terme ne devraient plus aujourd’hui prédominer sur des objectifs de développement à long terme. Il s’agit de se comporter en être responsable pour le bien être et le devenir des futures générations.


[1] Un projet de 23 000 m² bâtis, avec dans le permis de construire une usine de torréfaction, des locaux de stockage et des bureaux, en résumé cela représente le transfert de l'unité de production et du siège social de Carros. Il est étonnant de constater que depuis maintenant trois ans, la société en question n’a procédé à aucune modification de son permis de construire afin de montrer son intention de réaliser un amphithéâtre, un musée, une crèche (au sein d’une usine classée), justifiant ainsi l’appellation de « cité du café ». Côté laboratoire de recherche on parle d’une poignée d’ingénieurs et de techniciens.